Dans deux premiers billets, nous avons vu que notre cerveau n’est pas, comme un ordinateur, purement rationnel, et que le considérer comme tel nous empêche de transmettre nos idées, aussi logiques et imparables soient-elles.
Nous suivons le livre The Influential Mind: What the Brain Reveals About Our Power to Change Others de la neuroscientifique israélienne Tali Sharot. Elle a identifié 7 facteurs qui influencent notre capacité à influencer. Dans les deux premiers billets, nous avons développé les quatre premiers facteurs :
1) L’influence des croyances antérieures et des idées préconçues
2) La synchronisation émotionnelle
3) Des promesses de récompenses plutôt que des menaces
4) Donner le sentiment à l’autre qu’il contrôle la situation
Développons les trois derniers facteurs qui peuvent nous aider à mieux persuader nos interlocuteurs.
5) Présenter le côté positif et déclencher de la curiosité
Intuitivement, nous pensons que si nous avons quelque chose d’important à transmettre, les autres voudront nous écouter et entendre ces choses importantes. En fait, c’est faux, en particulier si l’information est liée à un message sombre : nous faisons tout pour l’éviter. C’est par exemple le cas du briefing de sécurité dans les avions avant le décollage, que personne n’écoute ou ne veut écouter. Les compagnies aériennes ont fait maintenant de gros efforts pour rendre ce briefing attrayant, tout en disant la même chose qu’auparavant.
Ce refus d’écouter des informations négatives ou potentiellement négatives peut aller très loin.
Tali Sharot prend un exemple : lorsque les médecins disent aux gens qu’ils ont un risque d’être atteints de la maladie de Huntington et qu’ils doivent faire un test pour confirmer ou infirmer qu’ils ont ou n’ont pas cette maladie, seuls 10 à 20% d’entre eux font effectivement le test. D’autres études ont montré des résultats similaires en matière de dépistage du VIH et de dépistage du cancer du sein.
Donc, si nous présentons une information avec tout son côté négatif (comme « Fumer tue »), le cerveau des personnes concernées va souvent se déconnecter et refuser de recevoir l’information. Mais si la même information est présentée avec un côté positif (« Johnny a arrêté de fumer en 15 jours ! »), ce même cerveau devient curieux. Et là, les choses changent : cette curiosité fait qu’on accepte d’écouter.
Mais comment rendre les gens vraiment curieux ? En leur présentant une information incomplète, comme dans l’exemple (imaginaire) ci-dessus. En lisant cette phrase, beaucoup de gens vont se demander « Comment il a fait ? » et vont chercher des informations reliées à l’arrêt de la cigarette. La curiosité surmonte le refus d’entendre.
Pratiquement, cela signifie qu’il faut recadrer le message que vous voulez transmettre en mettant en évidence la possibilité de progrès plutôt que de malheur, et en présentant l’information d’une manière incomplète pour déclencher de la curiosité.
6) Tenir compte de l’état émotionnel de la personne à l’instant présent
L’état émotionnel dans lequel se trouve votre interlocuteur aura une incidence sur sa réaction à ce que vous avez à lui transmettre. Donc vous devez modifier la forme de votre message en conséquence.
- Si la personne est stressée ou se sent menacée, pour une quelconque raison, elle acceptera mieux de recevoir des informations négatives, par exemple sur les risques d’être volé par des pickpockets lorsqu’on visite Paris.
- Si elle est détendue, pour des raisons aussi triviales qu’une belle journée en hiver ou le succès imprévu de son équipe préférée de football, la personne sera encline à prendre des risques et il faudra lui présenter l’information autrement : « Avec quelques précautions simples, il n’y a que très peu de risques de se faire voler par des pickpockets, et ça serait dommage de rater une si belle journée à Paris. »
Il doit donc y avoir une correspondance entre les informations que nous transmettons et l’état émotionnel de la personne en face de vous.
7) L’influence des autres personnes
Nous sommes des créatures sociales. Nous aimons à penser que nous agissons de manière indépendante et que l’opinion des autres ne nous influence pas, mais nous sommes influencés par eux, malgré nous.
Quand vous souhaitez faire un achat sur Internet, lisez-vous les commentaires des acheteurs précédents ? Oui, sans doute.
Tali Sharot cite l’étude de Sean Taylor, qui travaille maintenant pour Facebook. Il a étudié l’influence des notations et commentaires existants sur les notations et les commentaires qui suivent. Il a constaté que si vous manipulez les commentaires de manière à ce que le premier soit très positif, la probabilité que les autres commentaires soient positifs augmente de 32% et la note finale est améliorée de 25% !
Pratiquement, cela signifie que lorsque nous présentons notre position comme positive et populaire, cela lui donne plus de poids et plus de chance d’être entendue.
****
En résumé, voilà donc ce que nous suggèrent les neurosciences pour être plus persuasif :
1. Croyances antérieures : Ne cherchez pas à convaincre votre interlocuteur qu’il se trompe, recherchez un terrain d’entente.
2. Recherchez une synchronisation émotionnelle avant de vouloir transmettre quoi que ce soit.
3. Des incitations plutôt que des menaces : Concentrez-vous sur les récompenses qu’on peut attendre, non sur les mises en garde.
4. Proposez des choix, sans imposer des ordres.
5. Déclenchez de la curiosité en créant un vide d’informations à remplir, et concentrez-vous sur le positif.
6. Tenez compte de l’état émotionnel de votre interlocuteur. S’il se sent déprimé ou stressé, présentez un point de vue de préservation. S’il se sent bien, proposez-lui une approche plus risquée.
7. L’influence des autres : mettez en évidence que votre position est populaire.
Il est intéressant de constater que des campagnes gouvernementales de santé publique violent souvent certaines de ces règles. Les publicitaires, comme les responsables politiques, semblent peu ou pas lire les chercheurs, et s’en remettent à leurs fausses intuitions. Dommage.
Bruno Hourst
Ressources
The Influential Mind: What the Brain Reveals About Our Power to Change Others
New Neuroscience Reveals 7 Secrets That Will Make You Persuasive