Dans les années 80, j’avais découvert avec fascination le livre d’Helen Irlen Reading by the Colors, dont une version revue est parue en 2005 sous le titre Reading by the Colors: Overcoming Dyslexia and Other Reading Disabilities Through the Irlen Method.
Helen Irlen faisait de l’alphabétisation d’adultes lorsqu’elle a découvert par hasard que la lecture de ses stagiaires était améliorée lorsqu’on leur proposait un autre contraste que noir sur blanc. Elle a également découvert ce qu’elle appelle l’Ilen Syndrom : un problème de perception qui rend difficile la lecture. Ce problème n’est pas d’origine optique mais vient d’une difficulté du cerveau à traiter les processus visuels.
Développant ses idées, elle a mis au point une technique permettant de déterminer quel est le contraste qui convient le mieux à chaque cerveau – par exemple jaune sur vert. Elle a créé des centres spécialisés dans la « Méthode Irlen », pour aider à déterminer le bon contraste qui convient à la personne ayant des problèmes de lecture.
Le fait de « verrouiller » sa méthode lui a permis de développer un commerce sans doute lucratif. Mais d’un autre côté, si ses intuitions sont bonnes, il est dommage qu’elles ne soient pas accessibles au plus grand nombre.
Dans le même champ d’expérience, une étude récente, publiée dans la revue Research in Developmental Disabilities, a été menée conjointement en France et au Brésil, dirigée par la Brésilienne Milena Razuk avec le soutien de la Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo (Brésil).
Les conclusions de cette étude montrent que des enfants dyslexiques âgés de 9 et 10 ans utilisant des filtres verts avaient une vitesse de lecture accrue par rapport à leur vitesse habituelle de lecture, alors que les filtres n’ont aucun effet chez les enfants sans dyslexie.
Ces filtres colorés ont été brevetés en 1983 et ont déjà été indiqués non seulement pour les enfants atteints de dyslexie, mais également pour les personnes atteintes d’autisme et de trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH). « Mais, a déclaré Milena Rrazuk, les études sur leur efficacité présentaient des lacunes méthodologiques. Pour la première fois, une méthodologie très rigoureuse a été utilisée ».
Pour les besoins de l’étude, les chercheurs ont sélectionné 18 enfants atteints de dyslexie et 18 enfants sans dyslexie. Ils ont choisi d’expérimenter les filtres jaune et vert, parmi les 12 filtres de couleur disponibles.
On a demandé aux 36 enfants de lire, sur un écran, des extraits de livres pour enfants correspondant à leur groupe d’âge. Différents passages ont été lus sans filtre, avec un filtre jaune et avec un filtre vert.
Pendant l’expérimentation, les enfants portaient un appareil permettant de mesurer les mouvements des yeux, le Eye Tracker. Ce sont des lunettes avec deux caméras qui envoient des signaux infrarouges aux yeux et détectent où et pendant combien de temps l’utilisateur fixe ses yeux.
Alors que chez les enfants sans dyslexie, la vitesse de lecture avec des filtres n’a pas changé, le Eye Tracker a montré qu’elle s’améliorait avec un filtre vert pour les enfants atteints de dyslexie : ils fixaient des portions de mots ou de phrases pendant 500 millisecondes lorsqu’ils portaient un filtre vert, alors que sans filtre ou avec un filtre jaune, ce temps était de 600 millisecondes. Il y avait donc amélioration de la vitesse de lecture, même si le temps de réponse reste supérieur à celui des enfants sans dyslexie, dont la fixation des mots est de 400 millisecondes.
Les auteurs de l’étude soulignent qu’ils n’ont pas évalué si le filtre vert améliorait la compréhension de ce qui était lu.
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Même si les causes de la dyslexie sont encore mal connues, il semble que cela soit lié à un développement différent du cerveau chez le fœtus. En général, les neurones du fœtus migrent du tube neural (le système nerveux primitif des embryons) vers leurs lobes finaux. Avec la dyslexie, pour une raison mal comprise (certains chercheurs pensent que les hormones sont impliquées), les neurones en migration vont dans un mauvais endroit, ce qui empêche les cellules d’être au bon endroit pour être prêtes lorsqu’elles sont exposées au processus de lecture traditionnel. Cependant, la dyslexie ne signifie pas une déficience intellectuelle. Pour un diagnostic de dyslexie, le Q.I. doit être normal ou supérieur à la moyenne.
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Les auteurs de l’étude concluent : « Les résultats suggèrent que le filtre vert améliore les performances en lecture chez les enfants dyslexiques. Il est probable que le filtre facilite l’activité corticale et diminue les distorsions visuelles. »
Concernant les distorsions visuelles que peuvent vivre certaines personnes, les exemples présentés par Helen Irlen dans son livre sont impressionnants. Et ces distorsions n’ont aucune cause optique, elles viennent uniquement du fonctionnement du cerveau.
Il serait intéressant de savoir quelles applications pratiques peuvent être tirées de cette expérimentation, pour améliorer le handicap le plus lourd que rencontrent les dyslexiques : la lecture.
Bruno Hourst
Ressources
Filtro colorido aumenta velocidade de leitura de crianças com dislexia
Effect of colored filters on reading capabilities in dyslexic children
Reading by the Colors: Overcoming Dyslexia and Other Reading Disabilities Through the Irlen Method
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