Le comportement des adolescents – que nous avons été – est une source permanente d’interrogations pour les adultes – que nous sommes : pourquoi de tels comportements irrationnels, dangereux, immatures ?
L’adolescence est une course folle pour tout le monde – les parents, les enseignants et les enfants eux-mêmes. Il y a des changements rapides et importants sur les plans de la biologie, des capacités cognitives, des émotions et des relations interpersonnelles. À peu près tout ce qui pourrait changer, change. Une bonne métaphore de la puberté et de l’adolescence est de « mettre une voiture de course entre les mains d’un pilote non qualifié ».
Statistiques
Du côté des statistiques, même un peu anciennes, ce n’est pas réjouissant. Selon le Centre national américain de la statistique de la santé, il y a plus de 13 000 décès d’adolescents aux États-Unis chaque année. Environ 70% de ces décès résultent d’accidents de la route, de blessures non intentionnelles, d’homicides et de suicides. Une enquête sur les comportements à risque chez les jeunes a montré que les adolescents adoptent des comportements qui augmentent leur risque de décès ou de maladie : conduite d’un véhicule après avoir bu, consommation de substances illicites, relations sexuelles non protégées entraînant des grossesses non désirées et des MST, y compris l’infection par le VIH. Ces statistiques soulignent l’importance de comprendre ce qui se passe dans la tête des adolescents.
Un cerveau toujours en construction
L’adolescence est une période délicate pour le développement du cerveau humain. En fait, de nombreuses régions du cerveau sont en construction majeure pendant l’adolescence. Et les changements sont aussi spectaculaires et importants que ceux qui se produisent dans le cerveau d’un nourrisson ! Les lobes pariétaux subissent des changements majeurs entre 12 et 17 ans. Certaines zones particulières peuvent doubler ou tripler leur taille. Il y a des changements massifs dans la réorganisation synaptique, due à une plus grande utilisation et à la création de plus de connexions. Les lobes frontaux, un gros morceau de « matière grise », sont la dernière zone à mûrir, subissant des changements spectaculaires. Il y a à la fois un élagage important de la matière grise – environ 1% de la matière grise est supprimée chaque année pendant l’adolescence –, tandis que le volume total de la substance blanche augmente. La matière grise est le tissu cérébral global, la substance blanche est la myéline, qui enrobe les axones et accélère la connectivité lorsqu’elle s’épaissit.
La lente maturation du cerveau
Et si les comportements des adolescents nous semblent incompréhensibles, stupides et immatures, c’est parce que leur cerveau, justement, n’est pas encore mature. De très nombreuses études ont été faites sur le sujet. L’une d’elle, dirigée par l’Américaine Deborrah Yurgelun-Todd, qui s’est spécialisée dans l’étude du cerveau des adolescents, suggère que le développement cognitif à travers les années d’adolescence dépend de l’efficacité progressivement plus grande des capacités de contrôle. Et ce contrôle dépend essentiellement de la maturation d’un élément essentiel : le cortex préfrontal.
A quel âge le cerveau – et donc l’être humain – est-il mature ?
En général, les choses se mettent en place chez les filles plus tôt que chez les garçons. Alors que les cerveaux de filles deviennent physiquement matures entre 18 et 24 ans, il faut attendre chez les garçons entre 24 et 30 ans pour qu’ils rattrapent le développement cérébral des filles. Et la partie du cerveau qui est mature en dernier est, justement, celle des lobes frontaux, liés à la gestion des émotions et aux prises de décision.
En utilisant progressivement leurs lobes frontaux pour l’autorégulation, les adolescents apprennent lentement (beaucoup trop lentement pour la plupart des adultes qui vivent et travaillent avec eux) à arrêter leurs comportements risqués, à penser avant d’agir et à choisir parmi différentes actions. Malheureusement, cette maturation nécessaire des réseaux de neurones, qui permet l’autorégulation, est longue à se mettre en place. Ces zones du cerveau, toujours en construction, peuvent être très instables, conduisant à des conduites imprévisibles. C’est une période où le risque d’accidents et de blessures est très élevé.
Du côté des apprentissages
Tous ces changements signifient que le cerveau d’un adolescent a besoin de plus de temps pour apprendre, organiser et stocker de nouveaux apprentissages. Au lieu de considérer un esprit d’adolescent comme une maison terminée qui a besoin de meubles, les enseignants et les parents feraient mieux de le comprendre comme une structure de maison qui a encore besoin de câblage électrique, de planchers et de fenêtres. Évitez de traiter les adolescents comme des adultes : ils ne le sont pas. Les adolescents sont dans un brouillard de développement et prennent souvent des décisions que même un enfant de 9 ans trouverait stupide.
Nous sommes tous – plus ou moins – passés par là. On peut imaginer que la cohésion de la société était plus grande auparavant, et « cadrait » mieux l’adolescent pour lui éviter des comportements dangereux ou irresponsables. Mais ce « cadrage », parfois sévère, ne laissait pas forcément la liberté à l’adolescent de déployer ses ailes.
Nous verrons dans le billet suivant quelques comportements communs des adolescents. Mieux vaut comprendre que s’énerver outre mesures.
Bruno Hourst
Ressources
Emotional and cognitive changes during adolescence
Youth Risk Behavior Surveillance
Enriching the brain, d’Eric Jensen
Comment mieux comprendre son adolescent (en comprenant son cerveau)
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