Développer correctement l’intelligence émotionnelle de son enfant – Partie 1

En observant le monde tel qu’il va, on peut se poser la question suivante : « Comment est-ce possible que des adultes supposés responsables – et ayant pour certains un haut niveau de responsabilité – se comportent d’une manière aussi destructrice, malfaisante ou irrationnelle ? »

Et si la réponse venait de la manière dont leurs parents ont développé chez eux leur intelligence émotionnelle dans leur enfance ? Cette hypothèse pourrait apparaître comme une évidence ou comme de la psychologie de bazar. Mais qu’en disent les chercheurs ? Essayons de creuser un peu en compagnie du chercheur américain John Gottman.

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Avant d’aller plus loin, constatons qu’être parent n’est pas facile. S’occuper d’enfants n’est pas facile. Ils ont besoin d’une quantité épuisante d’attention et d’aide. Pour survivre, les parents doivent s’en remettre aux conseils glanés ici ou là, chez leur mère ou leur belle-mère (!), dans des revues pour parents (qui en font leur fond de commerce) ou sur des sites Internet au féminin – et ces conseils sont en général surabondants et contradictoires.

La plupart des conseils sur la parentalité s’intéressent à la façon de gérer les comportements inappropriés des enfants. Bien que cela soit utile, il est tout de même plus intéressant de faire de la prévention. En fait, nous disent certains chercheurs, ce qui est en général la cause des mauvais comportements d’un enfant, c’est sa façon de gérer ses émotions négatives. Montrer aux enfants comment reconnaître et gérer leurs émotions permet d’éviter les mauvais comportements – et c’est une compétence qui leur servira toute leur vie. Mais comment faire ?

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John Gottman est chercheur en psychologie et professeur émérite de psychologie à l’Université de Washington (États-Unis), qui a été reconnu en 2007 comme l’un des 10 thérapeutes les plus influents du dernier quart de siècle. Il s’est spécialisé pendant quarante ans sur la prévision du divorce et sur la stabilité conjugale, au point de pouvoir écouter un couple pendant quelques minutes et déterminer avec une précision impressionnante s’ils divorceront ou non. Il en a tiré – heureusement – des clés permettant une meilleure stabilité maritale. L’un de ses livres sur ce thème a été traduit en français : Les couples heureux ont leurs secrets. Mais ce n’est pas l’objet de ce billet.

John Gottman a également analysé et étudié la parentalité, mais pas en exposant des théories sur un coin de table à la fin d’un bon repas : son étude a été d’une ampleur proprement incroyable. Il a travaillé avec plus de 100 couples mariés ayant au départ des enfants âgés de 4 ou 5 ans et leur a remis des questionnaires. Puis il a mené des milliers d’heures d’interviews. Il a observé le comportement des enfants dans son laboratoire, a mesuré leur rythme cardiaque, leur respiration, leur transpiration, a pris des échantillons d’urine (!) pour mesurer les hormones liées au stress. Il a ensuite suivi les enfants et leur famille tout au long de l’adolescence, en menant d’autres entretiens, en évaluant leurs performances scolaires…, en bref, du lourd et du sérieux.

Et il a écrit un livre intitulé Raising An Emotionally Intelligent Child, que l’on pourrait traduire par Comment élever un enfant émotionnellement intelligent.

En ce qui concerne la manière de gérer les émotions des enfants, John Gottman a repéré quatre types de parents, dont trois ne sont pas au « top » :

  • Les parents « où est le problème ? »: Ils sont indifférents aux émotions négatives, les ignorent ou les banalisent.
  • Les parents « Ah, ce n’est pas bien ! ». Ils critiquent le fait d’avoir des sentiments négatifs et punissent leur enfant parce qu’il les exprime.
  • Les parents « Mon pauvre chéri… ». Ils acceptent les émotions de leur enfant et font preuve de compassion envers eux, mais ils le laissent faire, ne donnent pas de conseils et ne fixent pas de limites à ses comportements.

Avec le temps, les enfants de ces parents-là ne fonctionnent pas très bien. Ces enfants se conduisent plus mal, ont du mal à se faire des amis ou ont des problèmes d’estime de soi. Quant à ce qu’ils deviennent une fois adulte, il suffit sans doute de regarder autour de soi – et peut-être de se regarder soi-même.

Et puis il y a les Ultra-Parents (l’expression est de John Gottman). Sans le savoir, ces mères et ces pères ont utilisé ce que Gottman appelle « le coaching des émotions ». Et cela donne des enfants qui fonctionnent émotionnellement plutôt bien. Ces parents ont accepté les émotions de leur enfant (ce qui ne signifie pas d’accepter tous les comportements de l’enfant), les ont guidés à travers des moments émotionnels forts et les ont aidés à résoudre leurs problèmes autrement qu’en mordant ou en frappant l’enfant le plus proche.

John Gottman a constaté un certain nombre de constantes chez ces enfants, en grandissant :

  • Ils arrivent mieux à se calmer quand ils sont énervés, et plus vite.
  • Ils ont moins de maladies infectieuses.
  • Ils ont une meilleure capacité d’attention.
  • Ils ont de meilleures relations avec les autres, même dans les situations difficiles qui sont fréquentes pendant l’enfance, comme se faire taquiner.
  • Ils comprennent mieux les gens, ont de meilleures amitiés avec d’autres enfants.
  • Ils ont également de meilleurs résultats scolaires.

En bref, ils ont développé correctement leur intelligence émotionnelle, qui a une influence sur tous les aspects de leur vie. Et, d’après Gottman, cela vient essentiellement de la manière dont les parents ont géré les explosions émotionnelles négatives de l’enfant.
Ces parents ont fait cinq choses que les autres types de parents font rarement.

Nous verrons dans les prochains billets ces cinq choses d’un peu plus près. La démarche est un peu scolaire mais ne manque pas d’intérêt.

Bruno Hourst

Ressources

Raising An Emotionally Intelligent Child

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