Musique en tête

Dans plusieurs autres billets, j’ai présenté l’importance de la musique pour le développement de l’être humain. De nombreuses études convergentes ont été faites et prouvent cette importance. Pourtant, intuitivement, la musique et la science peuvent sembler habiter des univers différents : à la musique la beauté et les émotions, à la science la logique et la raison. Mais maintenant les neuroscientifiques comprennent mieux l’extrême intrication de la musique dans notre cerveau. 

Il est intéressant de demander plus de précisions à un neurobiologiste sur le pourquoi de cette importance de la musique. C’est ce qu’a fait l’Américaine Nancy Dess, de l’Université du Minnesota (États-Unis) en interviewant Norman Weinberger, professeur de neurobiologie et du comportement à l’Université de Californie (États-Unis). Voici quelques extraits de cette interview.


Nancy K. Dess : La musique est-elle inscrite dans nos gènes ?
Norman M. Weinberger : La musique existe dans toutes les cultures et les enfants ont d’excellentes capacités musicales qu’on ne peut pas expliquer comme le résultat d’un apprentissage. Partout dans le monde les mères chantent à leur bébé parce qu’il est sensible à ce type de communication. La musique semble faire partie de notre patrimoine biologique.
NKD : Donc nos cerveaux ont évolué pour le traiter ?
NMW : Il n’y a pas de zone du cerveau dédiée à la musique. L’intrication est complexe, car la musique comporte de nombreux éléments – ton, rythme, mélodie, etc., qui agissent dans différentes parties du cerveau.  Cette répartition des différents éléments qui composent la musique est complexe, donc difficile à étudier. En particulier, nous tentons de comprendre en quoi des processus musicaux profondément enracinés dans l’évolution se différencient de ceux apparaissant plus tard dans la vie, par exemple sous l’influence d’une culture.
NKD : Est-ce que la pratique musicale façonne le cerveau humain ?
NMW : Il semble que oui. Jouer d’un instrument implique la vision, l’ouïe, le toucher, la planification motrice, les émotions, l’interprétation de symboles – qui activent tous des systèmes cérébraux différents. C’est peut-être pourquoi certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer peuvent jouer de la musique longtemps après avoir oublié d’autres choses. De nombreuses études suggèrent qu’une implication musicale à long terme génère des avantages cognitifs (compétences langagières, raisonnement et créativité) et stimule l’adaptation sociale. La musique fait travailler le cerveau et le développe.
NKD : Il semble dommage que l’enseignement de la musique ait disparu de nombreuses écoles.
NMW : C’est une honte. Certaines personnes prétendent que les programmes musicaux sont trop coûteux, mais leur suppression prive les enfants d’avantages intellectuels, personnels et sociaux très importants. Je sais que ça a l’air ringard, mais en ne favorisant pas le rapport à la musique, notre société gaspille son potentiel.

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On ne peut encore une fois que regretter – et ceci est confirmé par les chercheurs – que l’apprentissage de la musique tienne si peu de place dans notre système scolaire et dans l’ensemble de notre société. Rappelons que la musique devrait être au cœur de tout système éducatif.

Bruno Hourst

Ressources

Music on the Mind