Dans un précédent billet, nous avons commencé à explorer le problème de la violence et du harcèlement chez les jeunes. Continuons à faire appel aux chercheurs et aux spécialistes.
Mary Kay Morrison est une consultante spécialisée dans le rôle de l’humour dans le comportement. Elle s’est en particulier intéressée à l’humour utilisé comme outil de violence et de harcèlement.
Une forme de harcèlement utilise un type d’humour qui est intentionnellement utilisé pour blesser quelqu’un d’autre. Les psychologues expliquent que les harceleurs qui se moquent des autres expriment en général des peurs internes, parce qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas reconnaître leurs propres besoins émotionnels.
Le problème, c’est que la moquerie, le sarcasme et les blagues ayant pour but explicite de se moquer des autres abondent dans les médias. Notre peur des différences culturelles est souvent exprimée par des blagues concernant divers groupes ethniques, sexuels ou religieux. Ces blagues, même si elles sont bien trouvées, perpétuent cet état d’esprit qu’il est normal et habituel de se moquer des individus ou des groupes. Les recherches sur le sujet suggèrent que l’on peut les assimiler à de la violence physique, ou qu’elles peuvent avoir les mêmes conséquences qu’un comportement violent.
Trois chercheurs américains, Forsyth, Altermatt, & Forsyth (voir en Ressources) écrivaient : « La dévaluation des groupes raciaux, ethniques ou religieux, parfois déguisés en humour, est un facteur majeur de violence et d’agression contre ces groupes. »
Un membre du Congrès américain a posté cette « blague » sur Facebook.
Ma fille est entrée dans la pièce et m’a dit : « Papa, supprime mon argent de poche, loue ma chambre, jette tous mes vêtements, prends ma télé, mon iPhone, mon iPod et mon ordinateur portable. Vends tous mes bijoux et ma voiture, reprends ma clé de la maison. Et raye-moi de ton testament. » Euh, en fait, elle ne m’a pas dit exactement ça. Elle m’a dit : « Papa, voici mon nouveau petit ami, Mohammed, d’Iran. »
Les réactions ont été assez mitigées. Certaines personnes et éditoriaux ont protesté, arguant qu’il discriminait les musulmans. D’autres ont déclaré que « c’était juste une blague », accusant les détracteurs de ne pas avoir le sens de l’humour – l’une des pires injures qui soit. Comme toujours, les réactions extrêmes sont souvent peu pertinentes. On peut effectivement y voir une attaque contre une communauté. Ou bien y voir l’expression humoristique des réactions épidermiques de bon nombre d’Américains – dont leur président – prêts aux généralisations stupides. On peut y voir un canard ou un lapin. Et notre cerveau est incapable de voir les deux ensemble.
Mary Kay Morrison propose d’être prudent en utilisant l’humour, en distinguant l’intention dans l’usage de l’humour et son l’impact.
Rire des autres peut devenir une arme entre les mains de personnes malheureuses et stressées, afin de prendre du pouvoir sur d’autres et créer chez eux des sentiments de peur et de détresse.
Du côté de la victime, on constate effectivement un ensemble de sentiments et de comportements, en particulier d’impuissance. La peur d’être ridicule peut saper sa confiance en soi. Elle blâme les autres pour les difficultés qu’elle rencontre, trouve des justifications à son sentiment d’impuissance. Elle développe des sentiments de peur et d’anxiété, perd confiance dans la vie et peut mettre sa vie en danger.
L’humour sarcastique, cynique ou moqueur peut ainsi être particulièrement destructeur chez celui qui en est la victime.
Dans le monde scolaire, ce type d’humour destructeur n’est bien entendu pas uniquement utilisé par les jeunes : qui n’a jamais été le témoin ou la victime d’un enseignant utilisant cet « humour » à travers des moqueries ou des sarcasmes, autorisant ainsi implicitement les élèves à avoir le même comportement entre eux ?
Les enseignants pourront se plaindre de la violence chez les jeunes, mais qu’en est-il de leur propre violence vis-à-vis de ces jeunes ?