Les « super-seniors » : une nouvelle population qui intéresse les chercheurs – Partie 2

Dans un précédent billet , nous avons découvert ces seniors qui n’ont pas les troubles cognitifs et du comportement généralement liés à la vieillesse – et qui semblent heureux d’être âgés. Le neurologue américain Joel Kramer les appelle des « super-agers », que j’ai traduit en « super-seniors ». Qu’ont de particulier ces octo- ou nonagénaires, pour aller à contre-courant de la phrase célèbre de De Gaulle parlant de Philippe Pétain : « La vieillesse est un naufrage » ?

Voici, en résumé, le résultat des chercheurs. Ils ont découvert que quatre habitudes inversent le vieillissement cérébral et bien plus, que l’on pourrait résumer en : ces personnes âgées sont tout simplement heureuses.

1. Approuver le vieillissement
La peur du vieillissement (parfois dès notre jeunesse) peut être dangereuse en soi. Les recherches suggèrent qu’il s’agit d’une prophétie auto-réalisatrice : lorsque nous croyons que nous ne pouvons pas contrôler notre processus de vieillissement, nous développons une attitude fataliste et adoptons moins de comportements sains. Et cela peut aller plus loin : des études montrent que les attitudes négatives à l’égard du vieillissement peuvent en fait nous rendre plus réactifs et moins résistants au stress, déclenchant des enchaînements biochimiques qui peuvent réellement accélérer le vieillissement.

La première clé est donc de rentrer sans réticence dans le processus de vieillissement.

2. Abandonner la négativité

Âgés, nous pouvons tirer parti de nos expériences de vie. Quand nous sommes plus âgés, nous prenons plus de contrôle sur ce qui compose notre vie. Nous favorisons et recherchons beaucoup plus les situations positives, et nous éliminons les choses que nous n’aimons pas.

Par ailleurs, il a été montré que les circuits cérébraux impliqués dans l’altruisme, la sagesse et l’attention aux autres sont façonnés en fonction des expériences cumulatives de notre vie. C’est pourquoi tant de gens peuvent citer une personne âgée qui a eu une profonde influence positive sur eux.

3. Continuer à bouger
De très nombreuses études ont montré les bienfaits de l’exercice physique pour ralentir le vieillissement. Cela entraîne la production de plus de cellules cérébrales, augmente la santé cardiovasculaire et favorise un sentiment de bien-être. L’exercice physique semble également être fortement corrélé à la vitesse de traitement cognitif. Il peut même aider à protéger contre la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurologiques, en particulier chez les personnes porteuses de gènes qui les exposent à un risque plus élevé d’Alzheimer.

4. Méditer
Elissa Epel et plusieurs collaborateurs ont suivi un groupe de personnes âgées qui ont pratiqué la méditation sous la direction de professeurs compétents pendant un mois de manière intensive. Ont été surveillés les marqueurs associés à l’âge biologique (comme la longueur des télomères, l’expression des gènes, etc.). Les chercheurs ont également suivi le niveau d’anxiété, de dépression et d’autres traits de personnalité des participants. À la fin du mois de pratique de la méditation, la longueur des télomères des participants avait considérablement augmenté (des télomères trop courts accélèrent le vieillissement), et les participants présentant au départ des niveaux élevés d’anxiété et de dépression ont montré des changements les plus spectaculaires au cours de l’étude.

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Pour terminer, une petite histoire personnelle.

Il y a quelques semaines, j’ai fait la connaissance d’une dame, nonagénaire passée (bientôt 92 ans) – appelons-la Christiane. Nous avons sympathisé, nous nous voyons régulièrement et j’essaie progressivement de trouver les clés de sa vitalité incroyable. Voici quelques éléments de sa vie, qu’elle a bien voulu partager avec moi.

  • Elle considère sa vieillesse comme son âge d’or. Dans sa vie de femme adulte, elle a été confrontée à de nombreuses difficultés et à des malheurs, et préfère de loin sa vie actuelle à sa vie passée.
  • Elle fait très régulièrement de l’exercice physique. Elle m’a montré une sorte de pédalier qu’elle pratique tous les jours. Et pour pouvoir avancer en faisant des grands pas (dans la rue, elle est prudente et fait des petits pas), elle va dans le couloir de sa résidence et marche.
  • Elle est incroyablement optimiste sur la nature humaine. J’ai beau tenter de lui montrer la bêtise et la violence de l’être humain, elle me répond – et elle y croit vraiment – qu’il y a partout et chez chacun du beau et du bon, qu’il suffit de regarder.
  • Tous les matins, elle observe le ciel passer de la nuit au jour, et passe un moment en utilisant un livre de méditations simples qui l’accompagne depuis des décennies – le livre, à l’évidence et vu son état, a été ouvert des milliers de fois.
  • Elle a une vie sociale active, s’occupe de voisines (souvent moins âgées qu’elles) qui se sentent seules, joue au Scrabble avec elles, cuisine pour elles. Elle participe activement à une chorale intergénérationnelle – « on y rit beaucoup ! » et me parle de ses prochains concerts.
  • Une bonne partie de la journée, elle peint et prépare une prochaine exposition.

Moi, je suis épaté. Et j’ai découvert, grâce aux travaux de Joel Kramer, que j’avais la chance de côtoyer une super-senior.

Bruno Hourst

Ressources

The mystery of the super-ager