Dans un précédent billet , nous avons présenté quelques recherches montrant l’importance cruciale du lien social pour notre bien-être. Voyons de plus près comment ce lien social joue un rôle particulièrement important à l’école.
Pourquoi le lien social est vital à l’école
Lorsqu’un élève fait l’expérience du lien social, certaines parties de son cortex préfrontal médian sont activées et participent à l’expérience de ce lien social. C’est ce qu’a montré (Référence 1) Cendri Hutcherson, du California Institute of Technology à Pasadena (États-Unis). Et de plus, cette partie du cerveau est fortement impliquée dans l’apprentissage, la mémoire et la récupération de l’information. Autrement dit, les élèves apprennent mieux lorsqu’ils sont socialement connectés. Pratiquement, cela se traduit de plusieurs manières :
- cela crée une atmosphère de sécurité dans laquelle les élèves sont prêts à prendre des risques d’apprentissage (demander de l’aide à un camarade de classe, admettre qu’ils ont des difficultés, etc. ) ;
- le lien social engendre le respect, ce qui crée un environnement dans lequel les élèves peuvent demander de l’aide sans craindre d’être humiliés ou moqués ;
- les élèves sont plus intrinsèquement motivés, ont un niveau d’attention plus élevé (parce qu’ils ne se préoccupent pas de savoir si leurs camarades les aiment ou vont les taquiner) et, en fin de compte, affichent des niveaux de réussite plus élevés.
Mais est-ce que cela marche si les élèves ont bien des amis, mais pas dans la même classe ? Oui et non. Ils en récoltent les fruits sur le plan sanitaire et social. Mais pour bénéficier des avantages d’un meilleur apprentissage, le lien social doit exister avec les pairs au sein de la classe. C’est ce qu’a montré Amori Mikami de l’université British Columbia de Vancouver (Référence 2).
Comment développer le lien social entre les élèves
Pour développer des liens sociaux au sein de sa classe, l’enseignant peut – et devrait – évidemment jouer un rôle primordial : c’est ce qu’a confirmé clairement une recherche de Thomas Farmer publiée dans le Journal of Applied Developmental Psychology (Référence 3). Il présente l’enseignant comme une « main invisible », métaphore pour décrire sa contribution potentiellement influente pour développer les relations sociales entre les élèves.
Pour promouvoir les relations sociales entre les élèves, au niveau de la classe ou au niveau de l’école, il peut y avoir de très nombreux moyens : créer des groupes de travail, aider les enfants à mieux mutuellement se connaître, créer des rituels de partage (lundi : partagez un moment fort de votre week-end avec un voisin). Et au niveau de l’école, on peut encourager les élèves à participer aux activités extrascolaires proposées par l’école : clubs de sport, de musique, de théâtre, de robotique, etc.
L’exclusion sociale à l’école et comment l’éviter
On pense en général que l’exclusion sociale vient toujours des élèves. Mais l’enseignant, même bien intentionné, peut également participer à l’exclusion sociale et à l’isolement de certains de ses élèves. Et il peut jouer un rôle dans l’élimination des deux.
- L’exclusion sociale venant des élèves. En tant qu’enseignant, ayez une tolérance zéro pour les brimades entre vos élèves (en classe, en cour de récréation, dans les couloirs et en ligne). Dans votre classe, n’acceptez pas les taquineries, les moqueries ou tout autre forme de comportement irrespectueux. Voici par où commencer.
- L’humiliation sociale par les enseignants. Malheureusement, il y a encore beaucoup de comportements « vieilles écoles » dépassés, de « stratégies » de gestion des élèves qui ont été transmises d’une génération d’enseignants à une autre et qui utilisent l’humiliation sociale. En voici un florilège : mettre au mur une liste de « notes de comportement » nominatives, distinguant les « bons » et les « mauvais » élèves ; rendre un devoir en annonçant la meilleure note et en continuant jusqu’à la plus mauvaise ; faire des commentaires négatifs à un élève devant l’ensemble de la classe – rajoutez vos propres mauvais souvenirs. C’est ce que la psychologue américaine Joan Goodman appelle « la honte de pratiquer l’humiliation » (The shame of shaming, Référence 4). Certaines de ces stratégies peuvent permettre d’obtenir des élèves obéissants, mais leur impact académique et à long terme peut être catastrophique.
Les relations sociales de l’enseignant
Les relations sociales de l’enseignant comptent aussi ! Celles avec ses collègues, ses amis et sa famille ont toutes un impact sur son bien-être physique et émotionnel – ce qui lui permettra de donner le meilleur de lui-même en classe.
Cela peut aussi vouloir dire d’éviter le ressentiment à long terme envers des personnes – cela est destructeur au-delà de ce que l’on peut imaginer, autant pour la santé émotionnelle et physique que pour la qualité des relations sociales.
En résumé, à l’école, se sentir connecté aux autres est important, et cela est vrai autant pour les élèves que pour les enseignants. Et cela devrait être une priorité pour tout enseignant.
Bruno Hourst
Ressources
Why Student’s Talking During Class is Actually a Good Thing
1. The neural correlates of social connection
3. Revealing the invisible hand: The role of teachers in children’s peer experiences