Pourquoi les groupes auxquels nous appartenons sont meilleurs que les groupes auxquels nous n’appartenons pas

Les psychologues utilisent une expression particulièrement absconce, « l’erreur fondamentale d’attribution », pour désigner un biais psychologique subtil mais que nous mettons en œuvre fréquemment.

Nous avons une tendance générale à penser que lorsque quelqu’un de notre groupe / famille / équipe / pays réussit, c’est parce que cette personne a du talent et de l’intelligence, tandis que lorsque quelqu’un d’un autre groupe réussit, c’est juste que cette personne a eu de la chance ou qu’elle a profité d’une bonne occasion.

Nous sur-évaluons le comportement d’une personne lorsqu’elle appartient au même groupe que nous, et nous sous-évaluons ou dénigrons quelqu’un qui appartient à un groupe auquel nous ne faisons pas partie.

Autrement dit, nous avons le sentiment que les groupes sociaux auxquels nous appartenons sont meilleurs que les groupes sociaux auxquels nous n’appartenons pas. Nous pensons que notre propre famille, notre groupe d’amis, notre équipe, notre entreprise et notre pays sont formidables, et que les autres familles, groupes d’amis, équipes, entreprises et pays le sont moins.

Ce biais a été observé dans toutes sortes de contextes différents dans la recherche en psychologie, en particulier par l’Américain Miles Hewstone, expert en psychologie des relations sociales.

Miles Hewstone, après l’analyse de plusieurs études, résume cette tendance à sur-évaluer les membres d’un groupe au détriment d’autres groupes sur trois types de situations :

  • pour expliquer des résultats positifs ou négatifs,
  • pour expliquer les succès ou les échecs,
  • pour différencier des groupes.

Cette manière de nous comporter semble être une sauvegarde psychologique que nous mettons inconsciemment en branle pour nous sentir bien.

Les exemples les plus nombreux qui viennent à l’esprit sont en sport : si l’équipe adverse a perdu, c’est parce qu’elle est de mauvaise qualité ; si notre équipe a perdu, nous aurons tendance à trouver de nombreuses excuses pour expliquer son échec – sous-entendu : notre équipe aurait dû gagner, mais l’autre équipe a eu de la chance, ou a profité de circonstances favorables.

Inversement, si notre équipe gagne, c’est qu’elle a de meilleures capacités que celle qui a perdu. Et si c’est l’autre équipe qui a gagné, c’est surtout parce qu’elle a eu de la chance.

Il y a d’autres exemples dans la vie de tous les jours. Lorsque quelqu’un d’un groupe différent du nôtre fait quelque chose d’immoral ou de répréhensible, ou simplement qu’il échoue, nous ne cherchons pas à lui trouver des excuses. Nous avons tendance à attribuer son immoralité ou son échec à une personnalité médiocre ou à de faibles capacités.
Par contre, lorsqu’un membre de notre groupe fait quelque chose de mal ou échoue, nous faisons beaucoup d’efforts pour lui trouver des excuses extérieures (« il était sous pression », « c’est la faute à pas de chance »), en évitant de dire que cela peut venir de sa personnalité ou de son manque de compétences.

Par contre, lorsqu’un membre de notre groupe fait quelque chose de mal ou échoue, nous faisons beaucoup d’efforts pour lui trouver des excuses extérieures (« il était sous pression », « c’est la faute à pas de chance »), en évitant de dire que cela peut venir de sa personnalité ou de son manque de compétences.

Tout cela est également inversé lorsqu’un membre de notre groupe fait quelque chose de positif. Là, nous disons que c’est à cause de ses capacités, de son intelligence, de ses compétences. Par contre, quand c’est une personne d’un autre groupe qui remporte un succès, nous pensons que c’était un hasard, un coup de chance, ou que la situation lui était favorable.

Ce biais psychologique peut conduire – et conduit, nous le constatons tous les jours – à soutenir des préjugés et des stéréotypes. De nombreuses études ont montré les mêmes comportements que ceux décrits ci-dessus, mais avec des nationalités ou des ethnies, au lieu de plus petites unités sociales. Nous avons tendance à penser que notre appartenance à un pays, ou la couleur de notre peau, est un critère de supériorité par rapport à d’autres pays ou d’autres groupes humains. Entre les « America First » et les « On a gagné ! », nous affirmons une supériorité implicite par rapport à d’autres pays ou d’autres groupes ethniques. De quoi faire le lit de comportements racistes ou xénophobes.

Bruno Hourst

Ressources

The ‘ultimate attribution error’? A review of the literature on intergroup causal attribution

How a Psychological Bias Makes Groups Feel Good About Themselves And Discredit Others