Développer correctement l’intelligence émotionnelle de son enfant – Partie 3

Dans un premier billet, nous avons commencé à suivre le chercheur américain John Gottman, qui a étudié de manière extensive le développement de l’intelligence émotionnelle chez les enfants. Dans son livre intitulé Raising An Emotionally Intelligent Child, il explique les cinq comportements essentiels des parents pour faire grandir à peu près correctement cette intelligence émotionnelle chez leur enfant. Dans un précédent billet, nous avons détaillé les deux premiers de ces comportements souhaitables :

  1. Être conscient des émotions, des siennes et de celles de son enfant
    2. L’émotion est une opportunité pour créer de l’intimité et pour apprendre

Continuons à explorer les trois autres comportements souhaitables proposés par John Gottman.

  1.  Écouter avec empathie et valider les émotions
    Ne discutez pas des faits. Les émotions ne sont pas logiques. N’essayez pas de réparer immédiatement les choses. La compréhension doit précéder les conseils.
    La distinction essentielle que Gottman a mise en évidence, c’est qu’il est important d’accepter toutes les émotions – mais pas tous les comportements. Si vous passez immédiatement à la résolution du problème, l’enfant n’apprendra jamais comment gérer ces émotions inconfortables.

Vous pouvez utiliser « l’écoute empathique ». Demandez à votre enfant de parler. Aidez-le à clarifier. Validez ses émotions (mais, encore une fois, pas nécessairement son comportement). Il a besoin de sentir que vous comprenez vraiment ce qu’il ressent et que vous êtes pour lui un allié.

John Gottman :
« Écouter signifie beaucoup plus que collecter des données avec vos oreilles. Ceux qui pratiquent l’écoute empathique utilisent leurs yeux pour rechercher des preuves physiques des émotions de leur enfant. Ils utilisent leur imagination pour voir la situation du point de vue de l’enfant. Ils utilisent leurs mots pour redire de manière apaisante et non critique ce qu’ils entendent. Et ils aident leur enfant à exprimer ses émotions. »

Évitez de poser des questions difficiles à répondre pour l’enfant, et de transformer cette écoute en interrogatoire. Votre enfant ne sait peut-être même pas pourquoi il est triste. Essayez de partager des observations simples, par exemple : « J’ai remarqué que tu as froncé les sourcils quand j’ai parlé de cette fête », puis attendez une réponse.

Relier ses problèmes d’enfant à des problèmes d’adultes peut vous aider à faire preuve d’empathie. « Mais pourquoi est-ce qu’elle panique à propos de son nouveau petit frère?! Cela n’a aucun sens! » Ah, vraiment? Si votre épouse ramène à la maison un nouvel amant, comment pensez-vous que vous l’accueillerez ?

Donc leçon n°3 :

  • acceptez toutes les émotions de votre enfant, mais pas tous les comportements ;
  • écoutez votre enfant avec empathie, redites ce que vous entendez de manière apaisante et non critique.

4. Aider l’enfant à nommer ses émotions
Un jeune enfant ne pourra pas vous dire : « Chère mère, je m’excuse pour mon inutile irritabilité. Ma transition vers la nouvelle classe de maternelle a été pour moi une source de stress inattendue. »
Vous avez les mots ; ils ne les a pas. Aidez-le à comprendre ce qui se passe en mettant des mots sur ce qu’il ressent.

John Gottman :
« Mettre un nom sur une émotion peut aider l’enfant à transformer un sentiment informe, effrayant et inconfortable en quelque chose de définissable, quelque chose qui a des limites et fait partie de la vie quotidienne. La colère, la tristesse et la peur deviennent des expériences que tout le monde vit et que tout le monde peut gérer. Donner un nom aux émotions va de pair avec l’empathie. Un parent voit son enfant en larmes et dit : « Tu es très triste, n’est-ce pas ? » Maintenant, non seulement l’enfant comprend que vous connaissez ce qu’il vit, mais en plus il a un mot pour décrire ce sentiment intense. Des études ont montré que le fait de nommer les émotions peut avoir un effet apaisant sur le système nerveux, en aidant les enfants à se remettre plus rapidement des moments émotionnellement difficiles. »

Insistons sur ce point : les neurosciences ont démontré à maintes reprises que le fait de nommer les émotions contribue à les calmer. C’est l’une des principales techniques utilisées par les négociateurs lors d’une prise d’otage pour calmer les situations les plus dangereuses.
Prenons un exemple. Votre enfant pleure parce que sa sœur a eu un plus beau cadeau que lui. Vous ne voulez pas lui montrer que vous êtes indifférent et vous lui dites : « Je suis sûr que tu auras un plus beau cadeau qu’elle la prochaine fois. » Il est plus intéressant de valider son émotion et de lui donner un nom, en disant à votre enfant : « Tu souhaitais avoir un cadeau plus amusant. Je parie que ça te fait te sentir un peu jaloux. » Maintenant, votre gamin comprend que vous l’aidez et il a appris quelque chose sur la façon de nommer une émotion pour pouvoir la maîtriser. Et Gottman a trouvé que cela conduisait à de très bonnes choses.

John Gottman :
« Apprendre à un enfant à s’auto-apaiser a des implications énormes. Les enfants qui peuvent se calmer dès leur plus jeune âge présentent plusieurs signes d’intelligence émotionnelle : ils ont plus de chance de mieux se concentrer, d’améliorer leurs relations avec leurs pairs, d’avoir de meilleures performances scolaires et d’être en bonne santé. Mon conseil aux parents est donc d’aider leur enfant à trouver des mots pour décrire ce qu’il ressent. Cela ne signifie pas de dire à l’enfant ce qu’il devrait ressentir. Cela signifie simplement de l’aider à développer un vocabulaire avec lequel exprimer ses émotions. »

Donc leçon n°4 :

  • apprendre à l’enfant à nommer ses émotions.

5. Fixer des limites et apprendre à l’enfant à résoudre lui-même ses problèmes émotionnels
Encore une fois, toutes les émotions sont acceptables – mais tous les comportements ne le sont pas. Vous devez définir des règles et des limites. La relation parent-enfant n’est pas une démocratie. Une fois que les émotions sont gérées, vous pouvez être ferme.

John Gottman :
« Une fois que le parent a reconnu l’émotion qui se cache derrière la mauvaise conduite et a aidé l’enfant à la nommer, il doit s’assurer que l’enfant comprend que certains comportements ne sont pas acceptables et qu’ils ne peuvent pas être tolérés. Ensuite, il peut aider l’enfant à rechercher des moyens plus appropriés pour gérer ses émotions. « Tu es furieux parce que Dina t’a volé ce jeu », pourrait dire le parent. « Je le serais aussi. Mais tu n’es pas autorisé à la frapper. Que pourrais-tu faire à la place ? » »

Après avoir écouté avec empathie, nommé les émotions et mis des limites à tout mauvais comportement, il est temps de remédier au problème. Et ce n’est pas à vous, parent, de le faire : c’est à l’enfant. C’est une autre compétence qu’il faut l’aider à développer. Vous ne serez pas toujours là pour lui dire quoi faire. Encouragez-le à proposer des idées, orientez-le vers une solution qui tienne compte de vos valeurs et qui tienne compte des émotions des autres.

Donc leçon n°5 :

  • définir des règles et des limites ;
  • aider l’enfant à trouver lui-même une sortie aux crises émotionnelles.

***

Bon, c’est ainsi que les enfants émotionnellement intelligents deviennent des enfants – puis des adultes – pleins de ressources et responsables. Merci à John Gottman. Mais, en parent réaliste, vous vous posez sans doute une question depuis le début : « Comment diable suis-je censé faire tout ça alors que je suis stressé jusqu’au cou, je suis avec mon enfant qui hurle au beau milieu du centre commercial et j’ai déjà 15 minutes de retard pour mon rendez-vous chez le médecin ? »
Vous n’avez pas toujours le temps de faire tout ce qui est indiqué ci-dessus lorsqu’une crise se produit … Ou, plus précisément, c’est extrêmement rare que vous ayez le temps. C’est normal et c’est la vie telle qu’elle va. Qu’en dit John Gottman ?

Gottman dit de ne pas trop vous en faire lorsque le problème survient. Même si c’est mieux si vous prenez le temps de vous asseoir et d’avoir une conversation avec votre enfant.

John Gottman :
« Dans un monde idéal, nous aurions toujours le temps de nous asseoir et de parler avec notre enfant lorsque les émotions surgissent. Mais pour la plupart des parents, ce n’est pas toujours possible. Il est donc important de définir une heure, de préférence la même chaque jour, où vous pouvez parler à votre enfant sans contrainte de temps ni interruption. »
Le « coaching émotionnel » n’est pas une panacée. Votre enfant aura toujours des explosions émotionnelles. Vous aurez toujours besoin de fixer des règles à suivre et des limites à ne pas dépasser. Mais avec le temps, cette manière de faire renforcera les liens avec votre enfant et l’aidera à développer une « intelligence » qui lui sera bénéfique tout au long de sa vie.

Bruno Hourst

Ressources

Raising An Emotionally Intelligent Child

This Is How To Raise Emotionally Intelligent Kids: 5 Secrets From Research