Dire que l’on « raconte des histoires », dans un milieu professionnel, ne ferait pas sérieux. Il est donc de bon ton d’utiliser le mot anglais de storytelling, qui veut étymologiquement dire exactement ça : raconter des histoires, mais qui a une visée beaucoup plus large.
Le storytelling a été conceptualisé comme une technique de communication utilisant des histoires ou des récits pour transmettre des informations et pour convaincre. Cette technique est souvent critiquée car souvent utilisée d’une manière manipulatrice : le fait d’écouter une histoire active le cerveau émotionnel plutôt que le cerveau rationnel, diminuant ainsi la capacité de raisonner de façon critique chez celui qui écoute l’histoire. Le procédé est donc utilisé à outrance par les publicitaires et par tous ceux qui ont quelque chose à nous “vendre” : politiciens, vendeurs, publicitaires, etc.
Mettons de côté ces excès regrettables mais hélas courants, et intéressons-nous à l’utilisation d’histoires dans un contexte de management ou de leadership. Pourquoi raconter des histoires est l’un des moyens les plus puissants et efficaces pour un dirigeant d’influencer, de transmettre et de motiver ? Il y a différentes raisons, en voici quelques-unes.
Une histoire crée des liens entre les personnes, et entre les personnes et les idées. Les histoires véhiculent une culture, une histoire commune, des valeurs qui unissent les personnes. En ce qui concerne notre pays, la communauté dans laquelle nous vivons ou notre famille, nous comprenons intuitivement que les histoires que nous avons en commun sont une partie importante des liens qui nous unissent.
Ce lien que crée une histoire s’applique également dans le monde du travail, où les histoires racontés par les managers et les dirigeants aident à renforcer les relations entre les employés et leur organisation, bien mieux que des déclarations factuelles présentées sous forme de graphiques ou de pourcentages.
On peut se projeter sans risque dans une histoire. Les histoires font plus que créer un sentiment de connexion et de lien : elles construisent une familiarité qui permet à l’auditeur d’entrer sans risque dans l’histoire, ce qui le rend plus ouvert et plus réceptif à ce qui est transmis.
Les histoires peuvent être comprises sur plusieurs plans. Les bonnes histoires peuvent avoir plusieurs sens : derrière l’histoire peuvent se cacher différents niveaux de compréhension, que l’inconscient décrypte sans que le conscient s’en rende compte. Raconter une histoire est souvent un moyen étonnamment économique pour transmettre des idées complexes de manière compréhensible.
Prenons l’exemple d’une réunion d’entreprise.
Le directeur de la société A présente les résultats financiers du trimestre. Celui de la société B raconte sous forme d’une histoire ce qui a permis à l’entreprise d’améliorer son chiffre d’affaires.
Les employés de la société A quittent la réunion en connaissant les chiffres qui ont été réalisés pendant le trimestre. Les employés de la société B ont découvert une stratégie efficace dans laquelle les ventes, le marketing et le développement de nouveaux produits se combinent pour une excellence du résultat. Les employés de la société B ont maintenant de nouvelles connaissances et de nouvelles idées sur lesquelles s’appuyer. Ils ont été influencés. Ils ont appris.
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Un autre aspect du storytelling qui le rend si efficace est que cela fonctionne pour tous les types de personnes : les auditifs, les visuels comme les kinesthésique. Paul Smith, dans son livre « Leader as Storyteller: 10 Reasons It Makes a Better Business Connection » (Leadership et storytelling : les 10 raisons qui créent une meilleure relation d’affaires) écrit :
« Dans n’importe quel groupe, environ 40% seront principalement des visuels qui apprendront mieux avec des vidéos, des diagrammes ou des illustrations. Un autre 40% seront des auditifs, apprenant mieux à travers des conférences et des discussions. Les 20% restants sont des apprenants kinesthésiques, qui apprennent mieux en faisant, en expérimentant ou en ressentant. Raconter une histoire fonctionne pour les trois types. Les visuels apprécient les images mentales évoquées par l’histoire. Les auditifs se concentrent sur les mots, la voix et les intonations du narrateur. Les kinesthésiques se souviennent des liens émotionnels et des sentiments transmis par l’histoire.
Les histoires aident aussi à apprendre à l’école (voir le billet Raconter une histoire peut améliorer n’importe quelle expérience d’apprentissage ) car les histoires sont faciles à retenir et facilitent la mémorisation des éléments qui y sont intégrés. C’est la même chose en entreprise. La psychologue des organisations, Peg Neuhauser, explique dans son livre Corporate Legends & Lore: The Power of Stories as a Management Tool (Légendes et traditions d’entreprise: le pouvoir des histoires comme outil de gestion) que l’apprentissage qui découle d’une histoire bien racontée est mémorisé de manière plus précise et bien plus longtemps que l’apprentissage tiré de faits et de chiffres.
Kendall Haven, auteur de Story Proof: The Science Behind The Startling Power Of Story (La science derrière le pouvoir saisissant d’utiliser des histoires) et de Story Smart: Using the Science of Story to Persuade, Influence, Inspire, and Teach (Utiliser la science du storytelling pour persuader, influencer, inspirer et enseigner) considère l’utilisation des histoires comme une affaire sérieuse pour les entreprises. Il écrit :
« Lorsque vous communiquez, votre but est d’influencer votre public cible (pour changer leurs attitudes, leurs croyances, leurs connaissances et leurs comportement actuels). Transmettre de l’information seule ne modifie que rarement l’une de ces choses. Les recherches confirment que des histoires bien conçues sont le moyen le plus efficace d’exercer une influence. »
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Les histoires sur les erreurs professionnelles et ce que les dirigeants en ont appris sont une autre excellente manière pour transmettre : en écoutant l’histoire, les gens peuvent s’identifier étroitement au personnage, imaginent comment ils auraient agi dans des circonstances similaires, et cela sans risque. Ils peuvent en tirer des leçons sans avoir eu à vivre les difficultés et les erreurs qui leur sont racontées.
L’avantage supplémentaire pour les dirigeants est qu’avec une histoire personnelle simple, ils ont transmis des valeurs sous-jacentes, donné un aperçu de l’évolution de leur propre expérience et de leurs connaissances, se sont présentés comme étant plus accessibles et pouvant aussi faire des erreurs – tout en sachant en tirer des leçons.
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Comme tout outil, le storytelling peut aider au meilleur comme au pire : il peut être un outil puissant de management et de leadership ou bien, en déclenchant en nous des émotions, il peut nous empêcher de réfléchir de manière critique et devenir alors un outil de manipulation. Sachons l’utiliser avec sagesse et maîtrise.
Bruno Hourst
Ressources
What Makes Storytelling So Effective For Learning?
Telling Stories: How Leaders Can Influence, Teach, and Inspire
Corporate Legends & Lore: The Power of Stories as a Management Tool
Story Proof: The Science Behind The Startling Power Of Story
Story Smart: Using the Science of Story to Persuade, Influence, Inspire, and Teach