L’effet « Bobby McFerrin » sur notre cerveau

Vous connaissez sans doute la chanson de Bobby McFerrin “Don’t Worry, Be Happy« . Que penser du message que veut transmettre cette chanson ? Les pessimistes peuvent la considérer comme trop bêtement optimiste, alors que les optimistes, généralement, l’aiment.

En écoutant la chanson, il s’agit plus de bien-être que de bonheur. Elle a l’intérêt de nous poser la question : quel rapport entre le bien-être et notre cerveau ? Une étude nous permet d’y voir un peu plus clair.

En fait, il y a (nous disent les chercheurs) deux types de bien-être qui ont des effets très (vraiment très) différents sur notre cerveau et sur nos gènes.

Le premier type de bien-être est ce qu’on appelle une expérience “hédonique”, où l’on recherche avant tout le plaisir. Cest la gratification instantanée donnée par de la bonne nourriture, des achats compulsifs, une odeur de fleurs délicieuse, du sexe, différents types de spectacles et toutes les autres formes de “divertissement rapide”.

Le second type de bien-être est différent et pourrait s’approcher de ce que l’on appelle le bonheur. C’est une sorte de satisfaction joyeuse, dans laquelle le plaisir est un sous-produit. Il n’y a pas vraiment de mot français pour désigner ce type de bien-être. On a proposé le terme d’eudémonie, tiré du mot grec eudaimonía que l’on peut traduire par « l’épanouissement humain” ou “la prospérité ».

Ce type de bien-être ne provient pas de la consommation mais de la production de quelque chose. Il vient comme le résultat d’un effort soutenu pour oeuvrer à quelque chose de plus grand que soi, dans la recherche de buts utiles et qui aient du sens.

La scientifique Barbara Fredrickson de l’Université de Caroline du Nord (Etats-Unis), auteur de nombreux ouvrages sur la pensée positive (certains sont traduits en français), nous explique, dans une étude publiée par la revue américaine PNAS, que ces deux types de bien-être influencent nos gènes : « Je savais de manière anecdotique que les émotions positives nous affectaient au niveau cellulaire, mais les résultats de notre étude nous ont montré qu’il existe une réelle différence entre les différents types de bien-être que nous ressentons et leur action à long terme”.

Cette étude a montré que ceux qui recherchaient essentiellement le bien-être hédonique, lié à une auto-gratification rapide, présentaient à la fois :

  • un taux élevé d’expression génique inflammatoire,
  • et une faible action des gènes d’antiviraux et d’anticorps.

Curieusement, cela ressemble à ce que l’on constate en général chez les personnes déprimées.

Autrement dit, ce type de plaisir aide à se sentir mieux dans l’instant, mais est mauvais pour notre santé à long terme. Ne caricaturons pas : il ne s’agit pas d’affirmer que les personnes qui se sentent bien tombent souvent malades et qu’il faut se refuser tous plaisirs hédoniques – qui font effectivement du bien lorsqu’ils sont consommés… avec modération.  Par contre, ceux qui poursuivent un hédonisme que l’on peut considérer comme malsain (dépendance à la drogue, à l’alcool, à Internet, sexualité débridée, etc.) risquent de souffrir de problèmes de santé graves à long terme. Certaines spiritualités comme le taoïsme condamnent d’ailleurs, avec sagesse, tout autant l’ascèse trop poussée (on se refuse tout) que la recherche de jouissances permanentes (on ne se refuse rien).

Et qu’en est-il de ceux qui vivent un bien-être eudémonique, c’est-à-dire ceux qui trouvent leur plaisir en recherchant un bien supérieur, dans une démarche à long terme ? Sans surprise,  Barbara Fredrickson constate qu’ils présentent :

  • un niveau bas d’expression génique inflammatoire,
  • et une forte action des gènes d’antiviraux et d’anticorps.

C’est un profil considérablement plus sain que celui généré par un excès de plaisirs hédoniques.

En résumé, le plaisir que l’on tire à travailler pour un bien qui nous dépasse a un impact génétique beaucoup plus positif que la recherche de “divertissements rapides”. Les spécialistes nous expliqueront que c’est un effet très particulier de la dopamine, qui nous fait rechercher une satisfaction à long terme. Mais leurs explications dépassent mon niveau de compréhension.

Et si vous voulez savoir ce que je pense du bonheur, vous pouvez regarder la longue vidéo (1h08) où je tente de répondre à la question de Julien Peron : “C’est quoi le bonheur pour vous ?” Quoi qu’il en soit, Don’t worry, be happy.

Bruno Hourst

Ressources

A functional genomic perspective on human well-being

The « Bobby McFerrin Effect » on Your Brain