Les conséquences des écrans sur les jeunes enfants : le cri d’alarme des chercheurs – partie 4


Dans trois précédents billets, nous avons présenté le cri d’alarme de praticiens et de chercheurs français, ainsi que des premières conséquences de la surexposition aux écrans sur les enfants sur :
le sommeil
le cœur, du fait de la sédentarité créée par les écrans
la vue, avec le développement de myopies fonctionnelles
l’alimentation, avec une surconsommation de malbouffe
Continuons de faire l’inventaire des conséquences de la surexposition aux écrans sur les enfants.

5. Influence sur le langage et les comportements

Outre les effets délétères sur la santé, de plus en plus de professionnels s’inquiètent des retards de langage et des troubles du comportement associés à une exposition précoce et excessive aux écrans. D’après une étude dirigée par la pédiatre Catherine Birken de l’Université de Toronto (Canada), plus un enfant passe de temps devant un écran, plus il a de retard dans l’apprentissage du langage.
Chez les plus petits, chaque demi-heure journalière supplémentaire passée passivement devant un écran entraînerait une augmentation de 49 % du risque de retard dans l’apprentissage du langage. Ces travaux ont conduit les pédiatres canadiens à recommander aux parents de ne pas exposer les enfants de moins de trois ans à un smartphone ou à une tablette.
Ces recherches sont corroborées par ceux de la chercheuse Linda Pagani de l’université de Montréal (Québec). Elle confirme : « Jusqu’à l’âge de 4 ans, même une exposition marginale à la télévision retarde le développement de l’enfant. Les bébés les plus exposés aux écrans, à l’âge de deux ans et demi, deviennent à cinq ans « moins aptes aux mathématiques et la lecture, moins persévérants et moins habiles socialement ».

Michel Desmurget, chercheur français spécialisé en neurosciences cognitives, a rédigé un ouvrage, TV Lobotomie – la vérité scientifique sur les effets de la télévision (publié dès 2011), qui dénonce les effets délétères de la télévision sur la santé et le développement cognitif, en particulier chez l’enfant.
Il précise : « La frénésie numérique actuelle affecte négativement les résultats scolaires, le langage, la concentration et le goût de l’effort ». Ce spécialiste rappelle qu’à quatre ans, un enfant sans télévision et évoluant dans une famille favorisée aura partagé 45 millions de mots avec ses proches. Mais si le même enfant regarde régulièrement la télévision, ce nombre diminue de 40 % et tombe alors au même niveau que s’il avait été élevé dans une famille défavorisée.

6. Perte de liens, perte de la temporalité

Dans son essai « Du livre et des écrans »,le psychanalyste Serge Tisseron, qui travaille depuis de nombreuses années sur les effets de l’image, de la mutation numérique et de la réalité virtuelle sur les enfants et adolescents, rappelle que le jeune enfant a d’abord besoin d’éprouver physiquement le monde qui l’entoure et de tisser des liens symboliques forts et stables avec ses parents et les adultes qu’il côtoie.
Il doit également apprendre à se repérer dans une temporalité qu’il ne maîtrise pas immédiatement et qu’il va peu à peu explorer grâce aux livres d’images et aux histoires que lui racontent ses parents. Ce n’est qu’une fois cette étape fondamentale franchie qu’il est prêt à « affronter », avec la médiation de ses parents, les écrans et qu’il peut alors en tirer un réel bénéfice en termes de plasticité psychique, d’acquisition de connaissances et de créativité.

En guise de conclusion de cette série de billets
Dans un précédent billet, Bruno Hourst s’y étonnait de l’ignorance affichée par les responsables politiques sur cette catastrophe sanitaire en cours. Cela fait pourtant plus de 10 ans que les cris d’alarme se multiplient, venant de chercheurs du monde entier.
A ce jour, nous n’avons pas connaissance de campagne de prévention massive sur cette catastrophe sanitaire annoncée, et l’on ne peut que s’en étonner. En réfléchissant un peu, le meilleur lieu pour faire cette campagne de prévention serait… la télévision, si possible avant le journal de 20h. Il y a peu de chance, il est vrai, que les publicitaires qui font vivre les chaînes de télévision apprécieraient cette démarche. Pourtant, ce refus de prendre des décisions responsables favorise ainsi le développement chez les enfants de pathologies que devront supporter ensuite les enseignants et notre système sanitaire et social.

Cendrina Collet

Références

Handheld screen time linked with speech delays in young children
Prospective Associations Between Early Childhood Television Exposure and Academic, Psychosocial, and Physical Well-being by Middle Childhood
Un petit écran nuisible aux tout-petits
Troubles autistiques, addiction… les écrans rendent-ils les enfants malades ?
Avons-nous conscience des conséquences du libre accès des jeunes enfants aux écrans ?